Actualités du marché des devises
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mai 12, 2022 | Analyse du marché des devises
Thèmes globaux
Les investisseurs se pressent vers les actifs refuges : le yen se réveille et l'EUR/USD chute sous 1,05 $
Les titres du jour :
- Un pic d'inflation aux Etats-Unis désormais derrière nous ? : après 7 mois consécutif de hausse, l'inflation américaine a légèrement décéléré en avril pour s'écarter du pic de 40 ans touché le mois précédent, passant de 8,5% à 8,3%. Ce repli est moins important que l'on ne l'imaginait puisque le consensus misait plutôt sur un taux de 8,1%. L'inflation sous-jacente, c'est à dire le panier de prix hors énergie, denrées alimentaires, alcool et tabac, recule elle-aussi de 6,5% à 6,2%, mais encore une fois un moins que prévu (consensus : 6,0%). Si pour un grand nombre d'observateurs, les chiffres d'hier tendent à confirmer que le pic est derrière nous, la croissance des prix à la consommation reste toujours résolument très élevé et quatre fois supérieur à l'objectif de la réserve fédérale américaine fixé à 2%. Face à ce constat, il n'y a pas de raisons pour le moment à imaginer que la banque centrale desserre l'étau et décide de ralentir son processus de normalisation monétaire qui l'a conduite à relever son taux de 50 pbs ce mois-ci (première depuis 2000) et qui devrait la pousser à opérer deux nouvelles hausses de taux similaires en juin et en juillet. Le spectre d'une possible hausse de taux de 75 pbs, évoqué à nouveau mardi par un responsable monétaire américain, ne peut pas être écarté à ce stade. Aussi, après une séance de pause mardi, la bourse américaine a repris hier sa trajectoire baissière et subi une contraction de -1,7%, touchant à cette occasion un nouveau point bas depuis plus de 2 ans. L'indice de valeurs technologiques Nasdaq a subi des pertes plus importantes et s'est contractée de -3% hier pour clôturer sous le seuil des 12 000 pts pour la 1ère fois depuis novembre 2020. Le dollar a profité de cette nervosité pour rebondir et atteindre un nouveau pic depuis 2002 face à un panier de devises. Sous l'effet du dollar, le taux EUR/USD est à nouveau sous pression et casse ce matin le seuil de 1,05 $ pour chuter à un creux de 5 ans. Longtemps ensommeillé, le yen se réveille et s'appuie sur cette nervosité ambiante pour amorcer depuis hier un nouveau rallye face à l'euro et au dollar. Ce matin, la paire EUR/JPY chute violement de plus de -1% et retombe à un plus bas depuis 1 mois à moins de 135 ¥.
- Brexit drama is back : c'est un nouveau drame qui se joue en ce moment au Royaume-Uni sur fond de réminiscence du Brexit. En cause, le protocole nord-irlandais sur lequel Britanniques et Européens s'écharpent depuis des mois. Jusque-là rien de nouveau. Le nouvel élément qui revient mettre de la lumière sur ce dossier explosif c'est le refus du Parti unioniste démocrate (DUP), arrivé second derrière les nationalistes du Sinn Féin lors du scrutin national organisé jeudi dernier, de rejoindre les négociations pour former un nouveau gouvernement tant que la situation du protocole nord-irlandais n'est pas clarifié. Son introduction a été repoussé à plusieurs reprises par le gouvernement britannique qui refuse d'appliquer des contrôles douaniers en Irlande du Nord bien que cet engagement soit inscrit dans le traité du Brexit signé en janvier 2020 par le Royaume-Uni et l'Union Européenne. Alors que l'on reparle côté britannique d'une activation de l'article 16 pour révoquer le protocole, les Européens sont montés au créneau hier pour alerter son partenaire des répercussions qu'une telle décision entraînerait. Bruxelles menace de suspendre les accords commerciaux avec le Royaume-Uni si ce dernier décidait de rompre ses engagements. Pour le vice-président de la Commission Européenne, Maros Sefcovic, une renégociation du protocole nord-irlandais, n'est pas une "option". Une rencontre est programmée ce jeudi entre Sefcovic et la secrétaire britannique aux Affaires étrangères Liz Truss pour tenter de rapprocher les positions et éviter que ce dossier vienne à la fois réveiller de vieilles fractures en Irlande du Nord qui vit en paix depuis moins de 25 ans, ou même ne conduise à une guerre commerciale entre Britanniques et Européens. Si la livre sterling n'a pas vraiment réagi hier à ce nouveau mélodrame dont les marchés commencent à être habitués depuis 2016, toutefois elle reste plus que jamais sur la défensive face à l'euro. La volatilité implicite à 3 mois sur le taux EUR/GBP reste toujours très élevée et à proximité de ses plus hauts niveaux depuis 16 mois, ce qui suggère que les suiveurs de la livre gardent tout de même un œil attentif à ce dossier qui pourrait, en cas d'escalade des tensions, provoquer de vives secousses sur la devise britannique. Ce matin, avant la publication des chiffres de croissance au 1er trimestre au Royaume-Uni, on observe un bond du taux EUR/GBP au-dessus du seuil de 0,86 £, ce qu'il n'avait plus réalisé depuis le 1er octobre 2021 (7 mois). La contraction surprise de l'économie britannique en mars (-0,1% M/M) ou encore le rebond plus modeste enregistré au T1 (+0,8% T/T vs. consensus +1,0%) n'aide pas la livre à se défaire des pressions baissières dont elle fait l'objet.
- Draghi sème la zizanie en Europe sur la question du règlement du gaz russe : lors d'une conférence de presse donnée hier le premier ministre italien Mario Draghi a indiqué que les entreprises italiennes sont autorisées à payer leurs factures de gaz à la Russie en rouble comme il l'a été exigé par Moscou, ce dernier estimant qu'il n'y a pas officiellement de législation officielle à l'échelle européenne statuant qu'un tel acte constituerait une violation des sanctions prises contre la Russie. L'Italie est le second plus gros acheteur de gaz russe au sein de l'Union Européenne derrière l'Allemagne (selon les données de l'entreprise russe Gazprom) aussi l'enjeu de la sécurisation des approvisionnements depuis la Russie est crucial pour le pays. Tout de même cette sortie est quelque peu étonnante quand on sait que la Commission Européenne avait précédemment préconisé les pays européens à ne pas ouvrir de compte en banque en rouble auprès de la banque du fournisseur russe Gazprom et de continuer à payer la Russie en euro. Or face à la menace d'une coupure de gaz, déjà effective en Pologne et en Bulgarie, et à l'approche d'échéances de paiement, plusieurs pays dont l'Allemagne, selon Draghi, aurait déjà procédé à des paiements en rouble. Le manque de clarté et de cohésion au niveau européen sur des sujets aussi sensibles discrédite l'Europe et conforte au contraire sa faiblesse au regard de sa dépendance aux énergies russes. Le grand gagnant de cette histoire reste le rouble qui vogue en ce moment sur ses plus hauts niveaux depuis plus de 2 ans face à l'euro sous le seuil de 70,0 RUB.
- La nomination du nouveau gouverneur central tchèque secoue la couronne : l'annonce hier par le président tchèque Milos Zeman du nom du responsable qui prendra la tête de la banque centrale tchèque a provoqué une large déflagration sur les marchés des changes. Pour les marchés, la prochaine arrivée de Ales Michl à la tête de la CNB, personnalité qui a exprimé publiquement qu'il n'était pas favorable à une hausse continue des taux d'intérêt pour lutter contre l'inflation, pourrait signifier la prochaine fin du cycle de normalisation monétaire en République Tchèque. Les faits donnent pour le moment raison au futur nouveau gouverneur central puisque malgré une remontée du taux directeur de +525 pbs depuis le mois d'août 2021 et un niveau actuel que l'on n'avait plus vu aussi haut depuis 1999, l'inflation dans le pays n'a pas cessé d'accélérer jusqu'à atteindre en avril un nouveau record de 14,2%. La fin éventuelle du cycle de remontée des taux d'intérêt pourrait retirer à la République Tchèque le statut de pays le plus attractif de la région Europe de l'Est qui a grandement contribué ces derniers mois à la surperformance de la couronne sur ses consœurs comme le forint hongrois ou le zloty polonais. La couronne a subi sa pire séance depuis plus de 2 ans face à l'euro hier et s'est contractée de -1,7% pour clôturer à un creux de 2 mois à plus de 25,4 CZK. Ce matin, la devise tchèque restait sur la défensive.
- La couronne norvégienne ne finit pas de dégringoler : la hausse de la volatilité sur les marchés financiers et le manque de traction sur les prix du pétrole (105 $/brl) affectent très largement la couronne norvégienne. Cette dernière ne finit pas de dégringoler depuis un mois et a vu sa valeur se déprécier de -9% face à l'euro depuis son dernier point haut touché le 8 avril dernier. Ce matin, le taux EUR/NOK touche un nouveau pic annuel (et depuis 5 mois) à plus de 10,30 NOK et approche pas à pas du seuil de 10,40 NOK qui fait office de plafond au-dessus de la paire de change depuis le mois d'août 2021.
- Coup de projecteur ce jeudi : on surveillera très attentivement ce jeudi les échos de la rencontre programmée entre le vice-président de la Commission Européenne (Maros Sefcovic) et la secrétaire britannique des Affaires étrangères en charge des sujets liés au Brexit (Liz Truss) sur la question du protocole nord-irlandais. Alors que les tensions entre les deux camps sont montées d'un cran ces dernières heures, il faudra voir si ce bras de fer n'est que de l'esbrouffe à visée stratégique ou bien une réelle menace susceptible de déclencher une guerre commerciale
Volatilité des devises :
EUR/USD - L'euro casse le support de 1,05 $ et chute à un nouveau creux de 5 ans (-0,2% hier) : le taux EUR/USD est doublement affecté par le maintien des anticipations de forte normalisation monétaire attendue aux Etats-Unis après la publication de chiffres d'inflation aux Etats-Unis un peu plus élevés que prévu, mais aussi par une hausse de la volatilité sur les marchés boursiers dont le dollar et son statut de "valeur refuge" se délecte. La paire casse ce matin le support de 1,05 $ contre lequel il s'est heurté à de multiples reprises lors des deux dernières semaines. Le franchissement de cette barrière a très certainement eu une résonnance psychologique sur les investisseurs et de ce fait accentué le mouvement baissier. Actuellement valorisé à près de 1,0450 $, le taux EUR/USD est à son plus bas niveau depuis 5 ans.
EUR/GBP - La livre sterling rattrapée par les tensions commerciales ? (+0,4% hier) : sur la défensive depuis la semaine dernière, la livre sterling voit les pressions baissières s'exerçant sur elle s'accentuer ces dernières 24 heures alors que l'on revoit surgir sur le devant de la scène des réminiscences de tensions liées au Brexit. Si le taux EUR/GBP a fait un bond ce matin à plus de 0,86 £ pour la 1ère fois en 7 mois, il n'est pas parvenu à s'y maintenir sous l'effet notamment d'un affaiblissement de l'euro. Cela pourrait n'être que partie remise si jamais les marchés venaient à prendre très au sérieux les risques de guerre commerciale entre Britanniques et européens.
EUR/JPY - Réveil brutal du yen (-0,5% hier) : déjà orienté à la hausse hier, le yen rebondit très significativement ce matin de +1,5% face à l'euro et grimpe à un pic d'un mois à moins de 135 ¥. Le regain de volatilité observé sur les marchés actions internationaux, et notamment ce matin en Europe, entraîne une hausse de la demande pour les actifs refuges comme le yen. Si la paire casse le support de 134,5 ¥, elle pourrait prendre la direction du prochain seuil technique majeur situé à 133 ¥ (ancienne résistance observée en février dernier).
EUR/CHF - Retracement sur fond de volatilité en Europe (-0,3% hier) : comme on l'évoquait ces derniers jours, le taux EUR/CHF subit un retracement baissier naturel après le fort rebond de près de +3% enregistré en un peu plus d'une semaine. La hausse de la volatilité sur les marchés européens a stoppé net l'ascension de l'EUR/CHF et alimente aujourd'hui son retracement vers le seuil de 1,04 ₣. Si la correction boursière venait à s'intensifier, il ne serait pas surprenant de voir la paire de change subir des pertes plus importantes sur la fin de semaine.
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